Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Site officiel du PRCF d'Occitanie Pour une alternative rouge tricolore

HD-LOGO-PRCF

Site officiel du PRCF d'Occitanie Pour une alternative rouge tricolore
  • Blog d'information qui permet aux communistes du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF) d'Occitanie d'avoir leur propre expression sur les événements politiques et sociétales et sur les événements internationaux.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives
25 juillet 2023

Jean Ortiz nous a quittés

Annie Lacroix-Riz rend hommage à son collègue et camarade, Jean Ortiz.

______________________________________________________________________________________________________________________________

 

 

Jean Ortiz, longtemps en poste à l’université de Pau, fils de républicain espagnol, vaillant syndicaliste opposé sans répit à la dégradation de l’enseignement supérieur et de la recherche, fidèle jusqu’au bout à la République espagnole et à l’Amérique latine anti-impérialiste – Fidel Castro et Cuba en tête –, vient de mourir d’une longue maladie invalidante. Il appartient à la catégorie, devenue rarissime dans l’Université française, fidèle à ses choix progressistes initiaux.

L’introduction faite à son ouvrage de 2011, Guerrilleros et mineurs, rappelle sa contribution à la connaissance de l’Espagne républicaine, indissociable de son attachement au marxisme.

Jean Ortiz rend un bel hommage aux ouvriers républicains et révolutionnaires espagnols, qui ont tout sacrifié à l’espoir de construire dans une Espagne ravagée par les privilèges et la misère une société plus vivable. L’espérance en a été ruinée par la « guerre civile extérieure », livrée, via Franco, par le Reich nazi et l’Italie fasciste, et activement soutenue par la prétendue « non-intervention » franco-anglaise. Accueillis en « indésirables » par les chefs de la République française qui avaient tant contribué à étrangler la République, entassés dans les « camps de concentration » (c’est leur vrai nom) du Sud-Ouest, certains furent remis à Franco ou, en France, à l’occupant allemand, et voués à la mort. Les autres consacrèrent leur énergie, intacte, à la résistance inlassable, armée ou pas, à l’occupation allemande qu’ils avaient, par leur combat en Espagne, tenté d’éviter à la France. Puis ils se vouèrent aux luttes politiques et sociales d’un après-Libération qui vit sombrer l’espoir, tué dans l’œuf par les soutiens « occidentaux » acquis à Franco dès la guerre (de Gaulle compris), d’établir enfin une république progressiste en Espagne; le sort des deux pays continuant d’être lié, l’avenir français de ces combattants ne ressembla pas non plus aux promesses du programme du Conseil national de la Résistance.

Tel « l’éternel guérillero » Enrique Ortiz Milla, celui qui avait « passé la frontière le 13 février 1939, les pieds gelés, par les Pyrénées enneigées, à Prats-de-Molho », ces vaillants ont immergé l’auteur depuis l’enfance dans leurs espérances et leurs combats, espagnols et français. Beaucoup d’historiens français ont au cours de ces dernières décennies rallié et servi, le plus souvent sans l’avouer, la classe des puissants. Jean Ortiz avoue sans fard les origines familiales et de classe de sa passion pour l’histoire, la vraie, puisée aux sources originales. Celles-ci ont toute leur place ici, auprès des témoignages de parents et amis, Espagnols d’origine devenus français, et Français de plus longue date, « communistes du Bassin de Decazeville et de l’Aveyron » : archives et récits se font écho avec bonheur.

On peut donc simultanément faire de l’histoire scientifique et juger pertinente la « 11e thèse [de Marx] sur Feuerbach » (« Les philosophes [et les historiens] n’ont fait qu’interpréter le monde de façon dissemblable, il s’agit maintenant de le transformer »). Il est juste et bon que les enfants et petits-enfants d’« indésirables » y tiennent toute leur part. 

Salut, Ami.

Annie Lacroix-Riz, sa collègue et camarade

Ci-dessous, article paru sur le site dans Le Grand Soir

Cet article est paru le 17 mai 2017 sous le titre : "Le silence d’un blog". Pour une fois, la seule, Jean se racontait un peu. Sa maladie ... Mais nous en reparlerons dès que seront amortis le choc et la douleur de voir partir un ami si proche et si exceptionnel, un si talentueux auteur du Grand Soir (plus de 200 articles). Déjà, Fabien Roussel, mais aussi Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard ont réagi.
LGS

« Chroniques Latines », c’est le titre du blog de Jean Ortiz dans l’Humanité, qui précise : « Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américains... Toujours un oeil vif sur l’Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien... ».

Ajoutons qu’avec Jean Ortiz, c’est toujours « l’humain d’abord » et c’est pourquoi, « à cause d’un diable de scanner qui a marqué un avant et un après », alors que sa grande carcasse lui envoie de sombres signaux dont ses amis avaient consigne de ne pas parler, il livre aujourd’hui une chronique singulière où le « moi » s’avance pour mieux se masquer derrière le « nous ». Et, au passage, derrière le Che que Jean Ortiz connaît mieux que personne.

Le Grand Soir

Mes amis s’inquiètent...

J’écris de moins en moins sur mon blog « humanite.fr ». Ce blog communiste était devenu un espace iconoclaste de colères, de passions, de propos et d’analyses décalés, voire d’intimités, de complicités militantes, de provocations jamais gratuites, de fidélité à une histoire, à des valeurs, celles de ma naissance et de mes classes militantes au pays de Jaurès (« qu’il » a, sans scrupules, tenté de « macroniser »), au pays des prolétaires du textile, de la sidérurgie, de la mine... La CGT, le PCF, l’Amérique « latine », mon père Enrique, la lutte des classes, l’école publique laïque, « l’ascenseur social », ont fait le reste. J’écris de moins en moins sur mon blog, soyons sincère, tout simplement à cause d’un diable de scanner qui a marqué un avant et un après. Sidérant. Un nom de code qui te glace.

L’ennemi s’est infiltré en toi.
Il voudrait te voiler le soleil, celui qui allume le courage, celui qui refuse de n’éclairer que lui. Il prétend t’encrasser la tronche, te filer le blues de la défaite. Il te confronte au flux incessant d’insomnies hantées de présents et de souvenirs difficiles. Mais il est des insomniaques qui guettent angoissés l’aurore afin de reprendre la marche, chaque jour plus claudicante. En vain ? Le sens du monde n’est-il pas dans cette marche, fût-elle incertaine ? La marche partagée, au rythme de chacun.

« L’ennemi interne » appelle un combat essentiel, contre toi-même. Il voudrait te laisser seulement la liberté, surveillée, de tourner autour de ton nombril devenu par trop nombrilique, alors qu’il reste tant de combats ensemble à mener, tant de barricades à dresser, tant d’horizons à conquérir.

Cet ennemi devient un autre toi, un double obstiné qui résiste à tout acharnement propulsif. N’est-ce pas précisément cet acharnement qui compte ? Qui vaut une vie ? Des combats peuvent être perdus : jamais l’éthique de la résistance quotidienne, l’esthétique de l’engagement total. Ces combats, qui peuvent te transcender, obligent parfois à un repli pudique. Alors, il faut essayer de lever le poing, encore plus haut, en sourdine.

Nous terminons en ce moment un livre sur Che Guevara, « guérillero héroïque » et grand malade. Il s’entraînait tous les jours à gravir le Popocatepetl, il n’y arrivait pas, mais recommençait le lendemain. L’ennemi te trahit lorsque tu grimpes, comme lorsque tu te lèves au cri (fatigué) de « No pasará ! ». Tu le reprends ce « No pasarán ! » des « rouges ». Mais au final, il passe, il passe, et rabougrit ton blog, l’oblige à devenir une sorte de blog médicalement autocentré.

Les « jours meilleurs » se muent désormais en chemin très pentu, très incertain, en jardin étroit. Si étroit qu’il doit, pour l’être, rester « privé » et accéder à l’universel. On naît d’ici et d’ailleurs. Lutter sur tous les fronts devient de plus en plus difficile... Alors tu t’accroches à la solitude nombreuse, nostalgique sans trop, à la roseraie, refuge ouvert, métissé. Les rosiers du père et des militants ouvriers du village comme perpétuelle boussole.

Au final, la bataille ne vaudra sans doute que de l’avoir menée. Mais elle vaudra. On ne s’efface vraiment que d’abdication, de reniement. Nulle souffrance n’use définitivement l’espoir, l’épopée, l’enthousiasme, si tu te relèves pour essayer d’inscrire tes pas dans la marche des humains, celle qui ré-enchante le monde. Mais l’écrire est une chose, et le vivre une autre. Etre révolutionnaire, c’est contribuer à faire de l’Humanité le moteur d’une vie. D’accord Elie, Roger. Mais la barre est haute. D’où le silence.

Tiens, il commence à faire soleil.

Jean ORTIZ
Lundi, 15 Mai, 2017

Photo Capitan Antonio Nunez/AFP

Commentaires