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Site officiel du PRCF d'Occitanie Pour une alternative rouge tricolore

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4 décembre 2023

« Nous n’étions plus traités comme des êtres humains » :

la maltraitance et la torture des prisonniers palestiniens

Pendant les sept jours de la trêve qui s’est achevée vendredi matin, des prisonniers palestiniens ont été libérés par Israël. Tous décrivent des conditions de détention qui se sont encore plus dégradées que d’habitude. Depuis le 7 octobre, au moins six Palestiniens sont morts alors qu’ils étaient détenus.

RamallahRamallah (Cisjordanie occupée) et Jérusalem.– Le bus du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) peine à se frayer un chemin au milieu de la foule. Les feux d’artifices détonnent, les coups de klaxon résonnent, il y a une marée de drapeaux et des habitant·es qui font des signes de victoire de leurs doigts, voyant se rapprocher les 33 prisonniers et prisonnières palestinien·nes désormais libres.

Lundi soir, pour le quatrième jour de la trêve entre Israël et le Hamas, pause qui a volé en éclats vendredi matin, il y a des scènes de liesse et une émulation semblable aux jours précédents devant la mairie de Ramallah. À leur sortie du bus, les ex-détenu·es sourient et enlacent leurs familles. Toutes et tous sont célébrés en héros, portés sur les épaules de leurs camarades.

Soudain, l’un des jeunes tombe sous les cris effarés de ses proches, récupéré in extremis par des secouristes du Croissant-Rouge palestinien. Il ne tient plus physiquement et vient de s’évanouir. « De l’eau, apportez lui de l’eau ! », scande sa mère à côté. D’autres prisonniers ont le visage fatigué, le teint frêle. Mohammad Nazzal, du village de Qabatiyeh, à proximité de Jénine, a le bras en écharpe.

« Ce sont les gardes qui m’ont fait ça. Ils m’ont battu il y a une semaine et depuis je ne peux plus bouger le bras. En prison, je criais de douleur et juste avant ma libération, j’ai été frappé à nouveau. Je n’ai eu accès à rien, aucun soin », raconte le jeune adolescent de 17 ans, précisant que la Croix-Rouge lui a fourni les bandages à sa sortie de prison. Deux doigts de sa main droite sont cassés, son bras gauche aussi, et son dos est couvert d’hématomes.

Mohammad assure qu’il n’est pas le seul. « Il y a de la torture en prison. Nous entendions des cris en permanence, continue-t-il. Certains prisonniers perdaient conscience. J’ai vu des prisonniers, plus âgés, qui pleuraient à cause de la douleur, d’autres le visage couvert de sang. Ces scènes resteront gravées en permanence, je n’arrive pas à les oublier. »

Comme lui, tous les prisonniers et prisonnières libérées décrivent des conditions de détentions qui se sont encore plus dégradées que d’habitude. « Après le 7 octobre, nos façons de vivre ont complètement changé, raconte Shrouq Dwayyat depuis le salon de la maison familiale à Jérusalem, au lendemain de sa sortie de prison.

Elle l’assure : les femmes ne sont pas épargnées. L’ex-détenue de 26 ans raconte la nourriture réduite, la surpopulation par cellule, les sorties uniquement pour prendre des douches, les visites familiales supprimées, les appels avec les avocats également. « Nous n’avions plus de radio non plus, nous étions totalement coupées du monde extérieur. »

La majorité de leurs vêtements ont été confisqués, tous les appareils électroménagers – les plaques de cuisson, les bouilloires –, et il n’était plus possible d’acheter des produits d’hygiène. « Surtout, les gardes faisaient tous les jours des raids dans nos cellules, ils nous jetaient des bombes lacrymogènes aux pieds, nous frappaient et ne prenaient pas en compte nos besoins d’intimité, en tant que femmes. C’était une répression sans précédent et nous n’étions plus traitées comme des êtres humains. Ils veulent nous humilier. » 

D’après un rapport d’Amnesty International publié le 8 novembre, des témoignages et des vidéos attestent les « nombreux cas de torture, de passages à tabac et d’humiliation délibérés de la part des autorités israéliennes » et depuis le 7 octobre, au moins six Palestiniens sont morts alors qu’ils étaient en détention.

C’est le cas d’Omar Daraghmeh. Ce membre du Hamas de 58 ans avait été arrêté le 9 octobre à son domicile, à Tubas, au nord de la Cisjordanie, puis placé en détention administrative, c’est-à-dire détenu sans charges ni procès, suivant l’idée qu’il pourrait être « une future menace pour la sécurité d’Israël ».

Le 23 octobre, les autorités de la prison de Meggido annoncent sa mort « après s’être senti mal et être allé à la clinique de la prison pour faire des tests ». D’après le rapport médical publié par l’administration pénitentiaire, Omar Daraghmeh souffrait d’une hémorragie interne, en particulier au niveau de l’estomac et des intestins. Les circonstances ne sont pas claires, mais sa famille y voit le résultat de coups.

« Omar n’avait pas de problème de santé particulier », soupire son fils, Nimr, qui précise que deux heures avant de mourir, son père avait dit à son avocat que tout allait bien. « Déjà, lorsqu’ils l’ont arrêté, mon père avait été poussé avec force contre les murs, contre les meubles, sous prétexte que les soldats voulaient le maîtriser. Il avait été violemment frappé. » 

Le lendemain, c’est Arafat Hamdan, un autre détenu originaire de Beit Sira qui meurt dans la prison d’Ofer, deux jours après son arrestation. Il avait 25 ans, une fille de six mois, sa femme était enceinte. « Arafat était diabétique, il faisait extrêmement attention à ce qu’il mangeait, indique Mahmoud, son cousin. Mais nous avons été en contact avec d’autres détenus qui nous ont dit que les prisonniers étaient sévèrement battus avant leur procès ou encore lorsqu’ils devaient aller à la clinique. Apparement, il n’a pas eu non plus accès à ses médicaments. »

« Ce n’est même plus de la négligence médicale, mais une interruption totale des traitements médicaux », dénonce Amani Sarhani, porte-parole du Club des prisonniers palestiniens. Mediapart a contacté les autorités pénitentiaires pour connaître les circonstances des morts des détenus mais n’a pas obtenu de réponse. 

« Je ne l’ai d’abord pas reconnu »

Mais ces maltraitances n’ont pas débuté après l’attaque du Hamas en octobre dernier. De son appartement d’Al-Bireh, près de Ramallah, Rinad Zaurob raconte la dernière arrestation de son mari, en septembre 2019 – la huitième de sa vie – et les tortures qu’il a subies.

En tout, I’tiraf al-Rimawi, directeur du conservatoire de musique Edward-Saïd à Ramallah, a passé plus de 10 ans derrière les barreaux, dont la moitié en détention administrative, accusé par Israël d’être un membre actif de la branche armée du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation classée terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne – ce que sa famille et lui ont toujours nié. « En guise de preuves, les autorités ont pris des documents qui datent de ses années étudiantes. Mais il n’y a rien du tout : ce ne sont que des accusations sans fondement », affirme Rinad.

À cette époque, son mari passe un mois dans la prison d’Ofer, puis Rinad est informée – un 23 octobre – qu’il a été transféré à Jérusalem au Mascobiyeh, un centre d’interrogation et de détention tristement célèbre pour ses techniques de torture sur les Palestiniens, à tel point que ces derniers le surnomment « L’Abattoir ».

Elle n’a plus de nouvelles de lui et les visites sont interdites. Vingt-neuf jours après son transfert, seul le CICR est autorisé à voir I’tiraf. « Mais ils ont refusé de me donner des informations, ils m’ont juste dit qu’il allait bien, sans détails. Lors de leur seconde visite, ils m’ont dit que mon mari “allait mieux”. Comment ça, “il va mieux” ? Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ? Qu’est-ce que ça veut dire “bien ou mieux” d’après eux ? J’étais complètement paniquée. » Elle essaie d’avoir des détails et se rend au siège du CICR, en vain. Son mari restera 57 jours dans ce centre d’interrogation. 

Lorsque Rinad peut enfin le revoir – deux minutes et avant une audition « confidentielle » au tribunal militaire à laquelle elle ne peut pas assister –, les avocats lui conseillent de « se préparer psychologiquement ». « Ça a été un immense choc, malgré leur avertissement. Je ne l’ai d’abord pas reconnu », souffle-t-elle. Elle raconte ses traits radicalement changés : sa longue barbe lui donnant l’impression de quelques années de plus, ses longs cheveux, sa maigreur et ses convulsions soudaines.

« Il était extrêmement pâle et ne pouvait pas se tenir debout : ses pieds et ses mains étaient enflés, contusionnés, et je ne voyais pas le reste de son corps à cause des habits de prison. J’ai découvert bien plus tard que la chaise où mon mari était assis ce jour-là était un fauteuil roulant, qu’il s’était évanoui à plusieurs reprises et qu’il avait de gros problèmes de circulation sanguine. Il n’y avait aucun doute qu’I’tiraf avait subi des tortures physiques et psychologiques. » 

Aujourd’hui, elle ne sait ce qu’il s’est passé que grâce aux avocats d’Addameer, une organisation de défense des droits des prisonniers palestiniens. « Ils m’ont dit qu’I’tiraf avait les yeux bandés la plupart du temps et que les autorités le frappaient violemment à la tête. Il était retenu dans des positions inconfortables pendant des heures et forcé de se tenir debout contre une surface rugueuse, l’interrogateur appuyant sur ses épaules pour que la douleur soit plus forte. » 

Une violence systémique

Selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la torture ou les traitements inhumains sont des crimes de guerre, particulièrement quand il s’agit de conflits armés et quand cela est commis envers une population sous occupation qui, selon le droit international humanitaire, devrait être protégée par la puissance occupante.

Depuis 1999, la Cour suprême israélienne affirme que « la torture est absolument interdite en Israël », l’État étant signataire de la Convention contre la torture. « Mais cette même Cour suprême précise aussi que si un membre d’une agence de sécurité utilise des techniques d’interrogation extrêmes – proches de la torture –, alors il sera exempté s’il explique qu’il y avait une “nécessité” et qu’il devait le faire afin de “sauver des vies”. C’est vraiment unique ici : aucun autre système juridique d’une démocratie n’a rendu cela légal. Résultat, ce qui devait être une loi permettant des exceptions est devenue celle qui a défini la norme », explique Tal Steiner, directrice exécutive du Comité public contre la torture en Israël (Pcati).

Chaque année, cette organisation documente des dizaines de cas graves de tortures physiques et psychologiques contre les Palestinien·nes détenu·es en Israël : d’après des chiffres de début 2023, 1 400 plaintes ont été déposées ces vingt dernières années. Mais seulement trois ont abouti à des enquêtes et aucune n’a mené à un procès ou des condamnations, « malgré les preuves évidentes », insiste Tal Steiner. « Surtout, ce ne sont pas des incidents isolés, cela fait partie du système israélien. » 

Alice Froussard

 

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